Mai 12

Coliving : providence urbaine ou peur sur la ville ? – Mardi 13 mai 2025

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Synthèse

Coliving : providence urbaine ou peur sur la ville ?

« On est loin de l’effet de mode », déclare Julien Morville, président cofondateur de Sharies. Le coliving séduit de plus en plus de personnes, relance le marché de l’immobilier et attire les investisseurs. 

L’innovation servicielle

« Nous apportons un confort suffisant à nos locataires pour pouvoir nous différencier de la colocation traditionnelle », explique Loïg Lemeilleur, associé et directeur général de Colosseum Invest (ex-Colocatere). En effet, contrairement à la location classique où tous les espaces de vie communs (cuisine, salon, etc.) sont partagés, en coliving, les locataires peuvent, selon les lieux, disposer dans leur espace privatif d’une salle de bains et de toilettes mais aussi de services variés. Ainsi, l’offre de coliving et d’hôtellerie BiKube de Vinci Immobilier propose au sein de chacune de ses résidences, une salle de sport, un espace de coworking, etc. l’ensemble est inclus dans le prix de la prestation : « En rez-de-chaussée, on trouve aussi un restaurant accessible tant aux résidents qu’à la clientèle de quartier », expose Émilie Schlageter, directrice du projet Bikube chez Vinci Immobilier.

L’habitat intergénérationnel et sociétal 

Le coliving s’adresse à un large panel et l’on constate une mixité réelle entre étudiants, jeunes actifs et séniors : « On a un locataire de 82 ans qui vit dans un studio au sein d’une résidence où il va retrouver des espaces partagés, des services. Donc il bénéficie d’interaction et profite de son indépendance et de son confort », décrit Loïg Lemeilleur. Ce dernier relève qu’une part non négligeable de sa clientèle a 40-50 ans. Ces personnes ont fait le choix de ne pas vivre seules et de partager des choses avec d’autres. En outre, le concept permet à certains de trouver un logement qu’il n’aurait pas pu obtenir dans le cadre d’une monolocation : « Pas d’élitisme (…) Le prix a permis à certaines personnes d’accéder à des biens d’un confort bien supérieur à ceux proposés sur le marché », vante Loïg Lemeilleur. Le concept séduit une clientèle nomade, des professionnels étrangers ou non en mission courte durée, ou encore des expatriés de retour en France. 

Un concept respectueux de la règlementation

L’article 1er de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs dispose que le droit au logement s’exerce dans le cadre des lois qui le régissent. Et le coliving ne fait pas exception à la règle. Les rapports locatifs sont soumis au respect de cette loi et à celle relative à l’encadrement des loyers. La forme locative ouvre aussi droit aux aides au logement (sous réserve de remplir les conditions) : « On a des baux longues durées avec des locataires qui restent en moyenne entre 11 et 13 mois. Le turnover est extrêmement important », explique Loïg Lemeilleur. « En tant que société de gestion, il est vrai que nous avons un travail extrêmement important pour retrouver rapidement des locataires. (…) On arrive à avoir des taux de remplissage à 90% au niveau national ».

Le marché du coliving s’est diversifié et propose différents modèles, ce qui rend difficile de mesurer le nombre d’acteurs.

Côté Colosseum, qui travaille dans le diffus, le bail est unique et les locataires ne sont pas solidaires entre eux : chacun a une quote-part du loyer qui correspond à sa part privative du bien qu’il garantit et d’une quote-part d’espace partagé. L’entreprise connaît peu de cas d’impayés. Le locataire peut déposer un dossier pour bénéficier de la garantie Visale.  Colosseum s’est aussi rapproché d’organismes comme Garantme pour faciliter l’accès au logement. 

L’opérateur immobilier Sharies qui évolue sur des ensembles indépendants, pour des raisons de flexibilité, a recours à des contrats d’habitation de logement meublé individualisé. Chaque occupant signe un contrat de location auquel est associé un contrat de services profilé. « On a négocié notamment auprès d’Axa un contrat sur-mesure qui nous permet de couvrir à la fois l’immobilier, la perte d’exploitation, mais aussi la multirisque habitation de nos locataires. Elle est donc directement incluse dans l’offre locative. (…) Et sur les garanties demandées aux locataires, on est un petit peu plus flexible que la normale. (…) on impose nos propres ratios qui vont jusqu’à une fois et demie du montant du loyer. (…) On est là aussi pour rééquilibrer les rapports locatifs (…) et cela se ressent au niveau des impayés et (…) sur l’absence de dégradation de nos logements », spécifie Julien Morville.

Concernant l’encadrement des loyers, Loïg Lemeilleur indique qu’il est respecté dans les collectivités où il est imposé mais avoue qu’il y a « des portes de sortie » qui font la différence avec la simple colocation : « Lorsque le locataire signe un bail, il connaît le montant du déplafonnement et ce qui l’a justifié : (…) un cadre avec un confort (rénovation, isolation phonique, salle de bains privative, etc.) ».

Vinci Immobilier ayant pris un parti différent, son offre de coliving BiKube n’entre pas dans le champ de la loi de 1989. L’occupant n’est pas soumis à ces obligations : « Du fait de la part non négligeable des courts séjours (inférieurs à un mois), nous avons décidé d’opter pour des permis hôteliers, et non des permis résidentiels, (…) ce qui permet de pouvoir séjourner dans nos résidences à partir d’une nuit et d’offrir encore plus de flexibilité dans notre concept. (…) Et on fixe nos tarifs comme en hôtellerie », fait part Émilie Schlageter. 

Un modèle diversement accueilli par les élus municipaux

Quel que soit l’opérateur immobilier, tous sont convaincus que le coliving a de belles perspectives dans les grandes agglomérations françaises comme européennes. Toutefois, les élus locaux ne voient pas tous d’un bon œil ce modèle de location. C’est le cas à Lyon : « Notre permis avait été validé en tout début de mandat. (…) Aujourd’hui la politique de la ville est de développer du logement accessible à tous et le maire de Lyon ne perçoit pas cela dans l’offre Bikube », déplore la directrice du projet Bikube, qui relaye le fait que la ville de Montpellier a en revanche adopté une tout autre approche et y voit une solution pour désengorger le marché locatif classique. Les intervenants relèvent que certains maires ont su mesurer que ce modèle permettait la remise sur le marché de biens difficilement louables ou vendables. En outre, l’important travail de rénovation garantit la location de biens de qualité et aux normes environnementales (DPE, notamment). Julien Morville avoue : « Une chose est certaine (…) :  je n’ai jamais rencontré un élu, quel que soit son niveau de réticence au départ, invité à visiter une de nos résidences qui ne soit pas sorti en disant : “ non, franchement, c’est chouette”. (…) Après il y a des partis-pris politiques, des choses qui s’avouent publiquement ou pas. (…) Globalement on permet parfois de fluidifier un parcours résidentiel sur des communes où on n’aurait pas attiré des classes de population qu’on est capable d’attirer au travers de nos produits. »

Un placement sécurisé 

Au fil des années, le coliving s’est démarqué du modèle de la colocation et s’est forgé une image de qualité et de sécurité pour les investisseurs. Les craintes d’un mode de vie source de nuisances ont été balayées pour inscrire un savoir-vivre et un respect de la collectivité, des copropriétés et des lieux loués : « On a pris le parti de mettre des personnes dans les logements qui ne se connaissaient pas, qui ont des cursus et des horaires totalement différents. On a très peu de débordements. (…)  Le fait d’avoir rénové entièrement les biens influe aussi. (…) L’isolation phonique est aussi bien entre les chambres de nos locataires qu’entre les appartements voisins en dessous et au-dessus. (…)  Une fois les travaux de rénovation terminés, on invite les agents immobiliers et les administrateurs de biens à constater », illustre Loïg Lemeilleur. 

Les investisseurs sont des particuliers, des entrepreneurs ou des institutionnels, comme c’est le cas de BiKube : « Le schéma était tripartite. (…) Vinci immobilier vient vendre en VEFA à un investisseur institutionnel le bâti. BiKube signe un bail commercial avec cet investisseur institutionnel. (…)  Le risque est porté par BiKube en tant qu’exploitant et entité ayant signé un bail commercial :  nous avons un loyer quel que soit notre taux de remplissage. (…) L’investisseur a un rendement garanti », rapporte Émilie Schlageter. Vinci Immobilier réfléchit à s’ouvrir aux investisseurs privés : « C’est imaginé, mais (…) lorsqu’on a 1000 mètres carrés d’espaces communs sur 5 000 mètres carrés au total, il faut trouver le bon fonctionnement pour ces espaces communs qui ne seront pas vendus. Donc le montage est à réfléchir ». 

Loïg Lemeilleur souligne l’importance de bien choisir ses investisseurs : « Le groupe Finzzle nous aide aussi à nous projeter, à anticiper, surtout dans ces périodes de doute ».

Anticipant une éventuelle dérive en cas de multiplication du nombre d’acteurs du secteur locatif, Julien Morville aspire à « une vraie structuration du marché avec des acteurs de qualité, sérieux, qui respectent une forme de standard pour permettre un développement serein et éviter d’attirer l’œil du politique critique ».

Enjeux

Phénomène datant de quelques années, jusqu’alors confidentiel dans nos villes, le coliving y prend une place croissante, allant jusqu’à inquiéter certains élus locaux. À l’origine conçu pour alléger la charge individuelle d’un logement par le partage, il devient un mode de vie à part entière et un concept, avec la mise en commun d’espaces et services et l’organisation d’une authentique vie ensemble au sein des immeubles collectifs.

Plusieurs questions se posent face à cette vague :

  • Quels investisseurs pour ce produit nouveau ?
  • Dans le parc existant ou dans le neuf aussi ?
  • Au cœur des villes où louer est difficile, ou dans leur périphérie ?
  • Expédient économique ou mode de vie à part entière ?
  • Quid du respect des règlementations protectrices des locataires dans ce cadre ?
  • Est-ce un moyen de les contourner ?
  • Y a-t-il un danger d’affaiblissement de l’offre locative traditionnelle, nue ou meublée de longue durée, pour les ménages locataires individuels ?
  • Le péril lié à aux locations meublées touristiques se reproduit-il ?
  • À l’inverse, le coliving n’est-il pas une solution forte pour rendre la ville accessible à bon compte à ceux qui veulent l’habiter ?
  • Cette solution est-elle déjà démocratisée ou reste-t-elle élitiste ?

Un parlementaire élu de Paris, spécialiste du logement, deux dirigeants de sociétés leaders dans le coliving et un promoteur innovant et pionnier sur ce concept nous éclairent.


Les intervenants

  • Loïg Lemeilleur, associé et directeur général de Colosseum Invest (ex Colocatere)
  • Sylvain Maillard, député de Paris, président du groupe Renaissance de l’Assemblée nationale
  • Julien Morville, président co-fondateur de Sharies
  • Émilie Schlageter, directrice du projet Bikube chez Vinci Immobilier

Le débat est animé par Henry Buzy-Cazaux, président fondateur de l’Institut du Management des Services Immobiliers.

Sylvain MAILLARD
Député de Paris, président du groupe Renaissance de l’Assemblée nationale
Julien Morville
Président co-fondateur de Sharies
Loïg Lemeilleur
Associé et directeur général de Colosseum Invest (ex Colocatere)
Émilie Schlageter
Directrice du projet Bikube chez Vinci Immobilier