Mar 08

Et si financer la transition énergétique des logements était possible ? – Mardi 14 mars à 18h


Retrouvez le débat en replay !

Les enjeux

La transition écologique des logements apparaît aux parties prenantes comme un défi insurmontable ou à tout le moins difficile à surmonter.

Entre tous les freins identifiés, le financement compte pour le plus pénalisant pour les ménages, qu’ils soient propriétaires bailleurs ou copropriétaires investisseurs ou occupants. Les gestionnaires locatifs comme les syndics de copropriété attestent que leurs clients ne sont pour la plupart pas en situation de faire face aux dépenses nécessaires pour redresser la vertu énergétique des biens immobiliers leur appartenant.

Le rapport Sichel, à la demande du gouvernement, avait quantifié il y a déjà deux ans les enveloppes concernées et ses estimations ont depuis été ajustées: les chiffres sont impressionnants, à hauteur de plusieurs dizaines de milliers d’euros par logement.

  • Malgré les discours le plus souvent pessimistes sur les moyens de financer la rénovation énergétique, ne peut-on mettre en place une ingénierie efficace?
  • Entre les aides publiques et les solutions privées de financement, comment solvabiliser les bailleurs et les copropriétaires?
  • Les échéances de la loi Climat résilience ne sont-elles pas tenables sous condition de mobiliser tous les outils disponibles, et sans doute aussi de former les acteurs professionnels à leur utilisation?
  • Quels sont les exemples de réussite?

Les intervenants

Le débat est animé par Henry Buzy-Cazaux, président-fondateur de l’Institut du Management des Services Immobiliers, secrétaire général du Cercle. Avec :

  • Catherine Albanesi, dirigeante de l’Agence Micot
  • Pascal Jousselin, chargé de mission habitat parc existant à la direction de l’aménagement du Grand Annecy
  • Avidan Koubi, co-fondateur de Monga
  • François-Éric Mimouni, directeur technique et commercial de Symium
  • Frédéric Remeur, président fondateur de Homeland
Avidan KOUBI
Co-fondateur de Monga
Catherine ALBANESI
Dirigeante de l’Agence Micot
François-Éric MIMOUNI
Directeur technique et commercial de Symium
Frédéric REMEUR
Président fondateur de Homeland
Pascal JOUSSELIN
Chargé de mission habitat parc existant à la direction de l’aménagement du Grand Annecy

La synthèse

Avoir le sens de la conviction serait-il devenu le critère principal de sélection pour recruter les administrateurs de biens qui doivent aujourd’hui œuvrer à assurer la transition énergétique du patrimoine immobilier des Français ? Car arriver à mettre d’accord des propriétaires bailleurs (dont le risque est de ne plus pouvoir louer leur bien) et des propriétaires occupants n’est pas une mission aisée, surtout lorsque la question du financement des travaux envisagés est posée. Ainsi, comme le souligne Frédéric Remeur, président fondateur de l’entreprise à mission Homeland : « Leurs intérêts ne sont pas forcément alignés mais c’est le rôle du syndic de tous les prendre considération et de convaincre qu’engager l’immeuble dans un projet de rénovation énergétique va diminuer leurs charges. Les propriétaires occupants vont constater une réduction des coûts de maintenance et une amélioration du confort de l’immeuble. En outre, ils seront certainement sensibles au fait que la valeur de leur bien va augmenter :  l’Agence de la transition écologique (ADEME) aurait chiffré à + 7 % l’augmentation de la valeur d’un bien une fois rénové énergétiquement). (…)  De tels arguments réconcilient absolument tout le monde (…) En tout cas, il est très important, à chaque fois qu’il y a des sujets de travaux de rénovation dans un immeuble, de montrer le pay back, c’est-à-dire en combien de temps ces travaux vont être remboursés et s’autofinancés finalement par les économies d’énergie qui vont être générées ».

Même constat du côté de la gestion locative : « Les bailleurs sont un peu perdus face à toutes ces obligations qui leur tombent dessus : ils se demandent s’ils vont pouvoir les surmonter. Ce sont par nos conseils, par notre accompagnement, par notre façon de les aider à envisager les projets que l’on va réussir à les rassurer par rapport à l’avenir, à se rendre compte de l’enjeu qu’il y a pour le logement. Un enjeu économique qui concerne aussi tous les concitoyens. Si on n’a plus de bailleur, on va avoir un vrai problème à terme : outre l’absence de logements à louer, il en va de la survie de nos entreprises », déclare Catherine Albanesi, dirigeante de l’agence Micot, qui met en avant le fait que le temps de la gestion n’est pas celui de la copropriété. En effet, le propriétaire bailleur va avoir tendance à faire pression sur le propriétaire occupant pour mener à bien les travaux, et faire en sorte que son investissement continue de lui procurer des revenus. Quant au copropriétaire occupant, rien ne le contraint réellement puisque le syndic n’a que l’obligation d’inscrire à l’ordre du jour de l’assemblée générale des copropriétaires les modalités d’élaboration du projet de plan pluriannuel de travaux (PPT) : « Je pense que l’on peut aller plus loin. (…) J’irai jusqu’à faire évoluer quasiment le plan comptable de la copropriété pour m’inspirer un petit peu plus de la comptabilité des entreprises où une toiture a une durée d’amortissement », expose Frédéric Remeur. De fait, pour arriver à concilier les intérêts en présence et convaincre les récalcitrants, les administrateurs de biens n’hésitent plus à solliciter des appuis extérieurs. Pour Frédéric Remeur : « La personne publique doit jouer son rôle ».  

La collectivité : un facilitateur au service du vote des travaux 

Voici plus de 10 ans que la ville d’Annecy a initié son premier programme de rénovation énergétique des copropriétés. Pour ce faire, elle a élaboré une méthode : « On a fait le pari de travailler en étroite collaboration avec les syndics. Je crois que c’est la base de la réussite de ce programme car rien ne peut se faire sans les syndics. On est en partenariat tous les jours, toutes les semaines avec les gestionnaires pris individuellement pour mener à bien cette opération. La collectivité est facilitatrice et elle est le service après-vente. (…) Et pour que cela fonctionne, la collectivité ne doit pas déléguer. Il faut qu’un agent soit sur le terrain avec les autres partenaires et artisans de la rénovation énergétique. (…) En outre, on est présent à toutes les assemblées générales, ce qui nécessite un décalage du temps de travail du fonctionnaire territorial sur la tranche 14h-21h. (…)  Au début, on demandait au syndic d’être présent et, aujourd’hui, ce sont eux qui nous sollicitent de façon à accompagner la copropriété en vue de lever tous les freins anxiogènes que représente la rénovation énergétique. À ce jour, ce sont plus de 90 % des immeubles qui sont entrés dans le dispositif de rénovation et qui vont jusqu’au vote des travaux. (…) Dans certains territoires, 30 % refusent de les voter.  (…) L’objectif étant d’arriver au bout de la rénovation, on se doit d’être en partenariat avec les syndics et les organismes bancaires prêteurs  pour aider les gestionnaires à monter l’ensemble des dossiers », témoigne Pascal Jousselin, chargé de mission habitat parc existant à la direction de l’aménagement du Grand Annecy.

Frédéric Remeur dénonce le fait que tous les acteurs publics ne soient malheureusement pas engagés au même niveau : « C’est laissé à la libre appréciation de la collectivité territoriale. Nous avons des expériences assez diverses, essentiellement en Île-de-France où les réalités économiques sont très différentes.  (…) Des aides, soumises au critère du revenu fiscal de référence, sont difficiles à mettre en œuvre. (…) Dans certains quartiers de Paris, on entre rarement dans ces critères, ou en tout cas pas dans la volumétrie attendue, notamment avec Coach Copro. Paris pourrait s’engager un petit peu plus ou faciliter les critères d’attribution. Dans le 93, on observe des choses très différentes avec une implication beaucoup plus volontariste des communes ».

Des aides au financement encore sous-exploitées

Pascal Jousselin rappelle qu’il existe des offres de prêts à la disposition des syndicats des copropriétaires : des prêts collectifs à taux 0 et des prêts complémentaires qui permettent qu’au démarrage du chantier, il n’y ait aucun reste à charge pour le copropriétaire : « le prix de la rénovation fait peur. (…) On arrive à embarquer 90 % des copropriétaires en expliquant l’intérêt de recourir à un prêt, et notamment les bailleurs (…). On peut citer deux organismes bancaires : la Caisse d’épargne d’Ile-de-France et Domofinance. (…) ».

A côté des offres de prêts proposées pour financer ces travaux, il existe des aides étatiques (CEE, MaPrimeRenov’) parfois méconnues des copropriétaires et des gestionnaires. Des entreprises comme Symium ont d’ailleurs assis leur concept d’aide à la rénovation énergétique en proposant son financement par le recours aux CEE. François-Éric Mimouni, son directeur technique et commercial, met en avant le fait que ces aides sont volatiles et qu’il est temps d’en user : « en matière de chauffage, ce sont des gros coups de pouce (…) qui permettent d’atteindre largement les 35 % d’économie d’énergie ». Il regrette toutefois d’avoir autant de mal à joindre les syndics pour proposer ses services, notamment la réalisation d’un diagnostic technique global (DTG) des immeubles. 

De même, les leviers fiscaux sont jugés obscurs : « les copropriétaires ont besoin d’être accompagnés en ce qui concerne le doublement du déficit foncier imputable sur le revenu global – innovation de la loi de finances pour 2023 », relève Catherine Albanesi. Et Pascal Jousselin de conclure : « C’est très important d’avoir un tiers de confiance qui intervienne au cours de l’assemblée générale et explique l’ensemble des éléments ». Mais le financement n’est pas le seul point dans la course à la rénovation énergétique qui nécessite des éclairages : faut-il encore pourvoir identifier les réels travaux à réaliser et les bonnes entreprises à solliciter. Là encore, le syndic peut s’appuyer sur l’intervention d’acteurs extérieurs.

L’ingénierie financière : l’optimisation des requêtes techniques au service de la valorisation des actifs

« Est-ce qu’il vaut mieux attaquer des travaux de rénovation globale ou des travaux ponctuels de rénovation énergétique ? En fait, cela va beaucoup dépendre du bailleur, de la typologie de l’activité, du coût et de l’enveloppe qu’il faut mettre en face de chacune de ces réalisations », énonce Avidan Koubi, cofondateur de Monga, start-up qui accompagne les administrateurs de biens dans la gestion et l‘optimisation des requêtes techniques globales. « En ayant connaissance de chacun des écueils qui se présentent sur la chaîne de valeur de la rénovation énergétique, on permet de piloter plus facilement toute la partie gestion technique pour obtenir une traçabilité complète à la fois à l’échelle du portefeuille mais également des missions.  (…) Il y a un équilibre à trouver entre, d’une part, la maximisation de la valorisation des certificats d’économie d’énergie, de MaPrimeRénov’ et toutes les aides qui sont disponibles sur le marché et auxquels une copropriété peut prétendre et, d’autre part, le montant des travaux. Notre métier c’est évidemment l’optimisation de ces coûts de travaux par le biais des économies d’échelle. Pour ce faire, on met en place des partenariats avec des entreprises qui nous permettent d’arriver à avoir des niveaux de prix très concurrentiels sur la plupart des interventions. (…) Ainsi, on fait en sorte que le reste à charge soit de zéro pour la copropriété. (…) Pour le tertiaire, on a une offre globale qui repose sur quatre piliers : audit énergétique, maximisation des aides en fonction de la classe d’actifs visée, réalisation des travaux via nos entreprises partenaires (suivi de ces travaux avec une mission d’AMO environnemental) et mise en place des indicateurs qui permettent de calculer le retour sur investissement.  En effet, il faut pouvoir déterminer ce que les travaux réalisés rapportent aujourd’hui en termes d’économie d’énergie, en termes d’optimisation des performances énergétiques du logement et bien sûr sur la valorisation elle-même de l’actif. Car notre mission est d’optimiser la gestion technique pour optimiser la valorisation des actifs de nos clients, et sur le volet rénovation énergétique, ça prend évidemment tout son sens. » Aussi le syndic peut-il compter sur un tiers de confiance supplémentaire pour identifier les bons partenaires, les justes prix mais aussi pour mesurer et optimiser le temps consacré par tout gestionnaire au suivi de ce dossier complexe : « Il faut mettre en balance ce que représente la part du syndic dans la prise en charge de ces sujets c’est-à-dire les questions d’arbitrage, de présentation, de discussion et de négociation », met en relief Avidan Koubi. 

De la valorisation des honoraires « travaux de rénovation » des syndics 

« Historiquement, le syndic peine à justifier ses honoraires travaux parce qu’ils sont mal compris des copropriétaires, comparativement aux honoraires de l’architecte. Pourtant, des projets d’ampleur, comme celui de la rénovation énergétique, nécessitent de la coordination, un vrai travail de chef de projet. (…) Lorsqu’est mis en œuvre un important PPT, le rôle du syndic est plus clairement identifié par les copropriétaires. Toutefois, il y a toujours une difficulté d’expression en pourcentage des travaux, donc on préfère introduire une référence de volume horaire facturé et expliquer toutes les expertises auquel le gestionnaire a dû faire face. Cela passe généralement mieux.  En outre, le législateur, dans son contrat de syndic-type, n’a pas oublié d’inclure les honoraires du syndic pour le montage de dossiers de subventions, le montage des prêts, etc. Et pour les subventions, je trouve que c’est une façon de passer du rôle de prestataire de services à celui de vrai conseil auprès des copropriétés, de justifier un montant d’honoraires qui soit assez élevé sur lequel on va marger parce que justement, derrière, il y a toute cette formation des collaborateurs. Il y a toutes l’identification qu’on doit faire auprès des organismes publics de financement et des organismes locaux. Tout cela doit se refléter dans les horaires », soutient Frédéric Remeur. Et Catherine Albanesi de compléter : « il y a aussi la phase non négligeable des honoraires de garanties financières à prendre en considération : (…) lorsque l’on reçoit d’importants montants de subventions, on a aussi une garantie financière qui a des montants un petit peu élevés et cela, pour nous professionnels, c’est un gros travail de négociation à mener avec nos caisses de garantie en sorte de maîtriser les majorations de prime car sécuriser les fonds de nos copropriétaires a un coût ! »