Jan 14

En 2025, gagner contre vents et marées : les solutions des meilleurs formateurs – Mardi 14 janvier 2025

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La synthèse

Apprendre à manager : venir (ou revenir) aux fondamentaux

Pour Yann Simon, directeur général du groupe Vision 2i Conseil, cette crise était prévisible et le problème numéro 1 consiste dans le management : « 80 % des patrons ou dirigeants ne se forment pas au management ». Un sentiment partagé par l’ensemble des professionnels de la formation présents à ce webinaire. Mais finalement que recouvre cette notion ?  Le management est défini par le dictionnaire Larousse comme l’« ensemble des techniques de direction, d’organisation et de gestion de l’entreprise ». Appliqué au secteur de l’immobilier, manager implique « la formation des équipes à la relation client, à écrire des process, à travailler sur le savoir-être pour animer une assemblée générale ou pour gérer le client mécontent, etc. », illustre Philippe Fauré, dirigeant de Multiscore, qui accompagne les professionnels de l’immobilier évoluant sur le marché haut de gamme.  

Taux d’intérêt excessivement bas, obtention facilité de prêt bancaire, transactions expresses à des prix exceptionnels… ces conditions favorables auraient eu pour effet de dispenser certains professionnels de l’immobilier de recourir aux bonnes pratiques, de former leurs collaborateurs, de leur définir des guidelines. « La plupart du temps ils ne les ont jamais eu ! (…) Aujourd’hui il est difficile de s’exonérer des fondamentaux du management ou des fondamentaux pour les collaborateurs, surtout si l’on veut se développer et pérenniser son entreprise. (…) Les fondamentaux doivent être hiérarchisés par la direction générale et ventilés auprès de tous les collaborateurs pour qu’il y ait de bonnes pratiques communes qui soient partagées, même si le savoir-être de chacun n’est pas clonable (et c’est souhaitable qu’il ne soit pas) », expose Philippe Fauré qui rappelle que les métiers de l’immobilier sont, avant tout, « une affaire humaine ». Ce dernier encourage les agents à recourir au « par cœur » pour maîtriser les fondamentaux de la relation client : savoir répondre aux interrogations, traiter les objections, maîtriser le juridique, etc. et éviter d’apporter des réponses approximatives.

Rozenn Chapron, présidente co-fondatrice de Nexialim constate une prise de conscience chez ses clients, qu’il s’agisse d’agences indépendantes ou franchisées ou de mandataires : « Les formations sont lancées parce que le directeur d’agence ou le manager voit bien qu’il y a quelque chose à remettre en place et, la plupart du temps, on nous demande les fondamentaux. (…) Les gens ont oublié ce que c’était que d’aller chercher un mandat, de se battre pour obtenir une proposition d’achat ou pour la faire passer auprès du client, d’assurer le suivi, etc. (…) C’est anormal qu’un client qui a appelé (ou qui a pris un contact) ne soit pas recontacté dans la journée. Ce n’est juste pas entendable pour moi ». Pour elle, les deux piliers à acquérir sont la prospection et le suivi.

Adapter son management aux profils

« Les agents co (ou mandataires), on ne les manage pas, on les anime, et c’est toute la difficulté », déclare Rozenn Chapron. Cette dernière constate que la plupart des agents co sont en demande de soutien et d’accompagnement. Ils vont même jusqu’à se regrouper pour suivre ensemble des formations. S’il est possible de leur proposer d’intégrer les process de l’entreprise, de participer aux actions, d’utiliser des outils, il est impératif de ne rien leur imposer : « Ils ont choisi souvent ce statut parce qu’ils veulent avoir cette liberté ».

Quant aux jeunes, notamment ceux en licence pro (qui seront les négociateurs, les managers de demain), Rozenn Chapron précise qu’ils sont en demande d’accompagnement humain, de méthode. La rigueur les rassure.  Toutefois, elle préconise d’adapter son discours : « j’ai plutôt tendance à parler avec eux d’indicateurs de réussite, et non d’indicateurs de performance. Parce que la performance induit forcément des histoires de chiffres et beaucoup ne sont plus là-dedans. Ils sont dans le travail bien fait, la satisfaction du client. Ils sont dans le fait d’arriver à la fin de la journée en se disant qu’ils ont réalisé quelque chose. (…) Ce n’est pas tellement l’objectif financier qui va les intéresser, c’est ce qu’ils vont faire avec cet argent. »

Pour Yann Simon : « Seul on va vite, ensemble on va plus loin et plus longtemps ». Partant de cette devise, le directeur général réunit dans un esprit confraternel ses clients chefs d’entreprise (syndics, gestionnaires de transaction, constructeurs) au sein du club V2I. Cinq fois par an, ces professionnels partagent leurs bonnes pratiques, des idées, des solutions : « Ils viennent chercher uniquement de la positive attitude. (…) Mon métier consiste à apporter un regard novateur. Par exemple, (…) nous avons déposé (…) le concept de maître compagnon. Tous ceux qui font appel à nous sont des maîtres compagnons de l’immobilier. Le statut a été déposé. (…) L’objectif est de donner à des collaborateurs un sentiment de fierté, d’appartenance ». Une stratégie linguistique a aussi été développée et des noms ont laissé leur place à des verbes d’action. Yann Simon ne parle plus de « visite » mais de « vendre ». De même « estimation » a été remplacé par « expertiser ». Plaçant le client au cœur de la stratégie des agences, un autre concept a été créé, celui de « maître de la relation client » (MRC), qui implique le respect pour l’agent d’une chaîne qualité reposant sur le fait que le client soit pris en charge avant, pendant et après les rendez-vous : « L’important c’est de jouer la transparence. (…) tout est formaté pour que le rendez-vous soit accessible et compréhensible pour le client, pour assurer son suivi et éviter ainsi la gâche », explique-t-il.

Donner du sens au métier

Savoir manager, c’est aussi être à l’écoute des attentes de ses collaborateurs, et notamment la nouvelle génération. « Il faut donner aux collaborateurs l’envie d’aller sur le terrain, l’envie de se sentir, non pas coupable, mais de se sentir utile. (…) Lorsque l’on pose un panneau et qu’il rapporte 15 euros à la lutte contre le cancer ou 50 euros à la SNSM, cela donne du sens.  Lorsque l’on donne des solutions pratiques, comment nettoyer son jardin en mode écoresponsable, cela donne du sens. Il y a des mots, il y a des actions », interpelle Yann Simon.

Sur le marché du luxe, toujours florissant, l’accent est mis sur le savoir-être et la qualité de la relation humaine, et non sur la prospection. « Le sens du métier, dans le luxe, c’est d’accompagner des gens sur des projets. Le travail pour un agent immobilier, c’est d’accompagner un vendeur dans le deuil du prix qu’il aurait aimé avoir. Cet accompagnement ne peut être qu’humain (…). Il faut accompagner l’acheteur à comprendre que le bien idéal n’existe pas et qu’à un moment il va faire des concessions (…). La valeur ajoutée de l’agent immobilier, elle n’est aucunement dans l’estimation. (…) La fonction de l’agent immobilier, c’est (…) de servir celui qui nous paye et de lui assurer les meilleures conditions », rappelle Philippe Fauré, qui aspire à un travail de repositionnement de sens du métier.

Réduire le temps accordé au télétravail

« La tendance aujourd’hui est de revenir sur le télétravail en termes de quantité », annonce Philippe Fauré, « parce que beaucoup se sont aperçus qu’il y avait des baisses de productivité liées à des baisses de motivation dans l’entreprise ». Aujourd’hui, le télétravail est accordé en prenant en compte la situation individuelle de chaque collaborateur.  L’accent est mis sur la création du lien social inter-entreprise. Philippe Fauré donne l’exemple des échanges professionnels (ou non) qui peuvent avoir lieu autour de la machine à café, lors d’un déjeuner ou dans les bureaux. Le retour au présentiel c’est « créer des interactions qui, malgré tout, sont favorables à la motivation et à la performance professionnelle ». Il en est de même pour la formation.

Favoriser la formation en présentiel

« On recourt au distanciel dans beaucoup d’actions, notamment pour (…) le coaching, le conseil, des phases préparatoires de formation, des débriefings de formation avec des dirigeants ou des managers. Mais on ne s’en sert jamais pour la formation. (…)  Comme on travaille sur la méthode ou sur le savoir-être, on a besoin de voir les gens pour observer celui qui hésite à poser une question, qui est content d’être là, celui qui a envie que ça se termine. Donc on est obligé d’avoir une interaction physique. (…) On parle de la connaissance ou de ce qu’on apprend en formation mais nos clients nous paient pour l’effet booster de la formation », expose Philippe Fauré.

Tout comme bon nombre de ses clients, Rozenn Chapron privilégie aussi le présentiel. Toutefois, Nexialim propose aussi des modules d’e-learning. Ces derniers permettent d’individualiser la formation : « Les gens ne veulent pas avoir la formation de tout le monde. Ils ont des besoins personnels. (…) Cela complexifie la tâche des responsables d’agence pour arriver à proposer des formations qui conviennent à un maximum d’individus. (…) Ils suivent d’abord les modules d’e-learning en autoformation et ensuite on organise des classes virtuelles avec maximum cinq personnes qui permettent de répondre aux questions », décrit Rozenn Chapron.

Inscrire le plan de formation dans le plan stratégique

Philippe Fauré demande à ses clients de quantifier ce que leur coûte et leur rapporte les formations dispensées. Le dirigeant de Multiscore attire l’attention sur le fait qu’il est important de penser aux résultats attendus lorsque l’on envisage de faire suivre à ses équipes une formation. Les objectifs de cet apprentissage doivent s’inscrire dans un plan stratégique. « Les formations qui nous sont demandées aujourd’hui sont de véritables accompagnements de stratégie des entreprises de façon descendante, c’est-à-dire qu’on part d’abord de la direction générale, on relaie ensuite sur le management intermédiaire puis à l’ensemble des collaborateurs concernés pour que cela fonctionne. Je pense, notamment, à des missions de développement de croissance organique des portefeuilles d’administration de biens (ADB). (…) La période est plus difficile. Il faut donc mettre l’accélérateur sur des thématiques de performance, des équipes de management, de motivation », encourage Philippe Fauré. Et Rozenn Chapron, de compléter : « On a quand même un avantage énorme avec l’immobilier : c’est un métier qui n’est pas délocalisable. (…) Ceux que j’ai en formation (…) sont vraiment dans cette volonté de qualité et cette volonté d’investissement. Ils ont un boulevard devant eux ».

Fixer des objectifs atteignables

Fixer des objectifs SMART (spécifique, mesurable, atteignable, réaliste et temporellement défini) telle est la règle à laquelle il ne faut pas déroger. « Les objectifs sont toujours une concertation entre celui qui est concerné par les objectifs et le manager (ou la direction de l’entreprise). (…) Chaque collaborateur doit avoir un plan de progression individuel (…) qui va conduire à atteindre le résultat », énonce Philippe Fauré.

Apprendre à travailler avec l’AI générative

Martin Pavanello, co-fondateur de Mister IA, forme les professionnels de la transaction (agent, mandataire), les notaires et le syndic à utiliser à bon escient l’IA générative. « On a formé 10 000 personnels de l’immobilier en présentiel en un an (…) Ils ont vite compris qu’on n’allait pas utiliser l’IA pour transformer les métiers de A à Z. (…) et que l’IA est un super assistant ». L’IA est un outil qui facilite la gestion de la relation client. Les cas d’usages ne manquent pas. Par exemple, l’agent peut avoir besoin d’une information juridique pour répondre à son client. Il peut demander à l’IA de générer un compte-rendu rapidement à la suite d’un rendez-vous avec un prospect, depuis son téléphone. Pour ce faire, il doit rédiger un « prompt », c’est-à-dire donner le contexte et les instructions pour que l’outil puisse s’exécuter et répondre aux besoins de l’agent. « Je lui précise que je suis agent immobilier, que je viens de visiter avec monsieur X un T2 qui a tel et tel critère. Je lui demande de me faire un compte-rendu par mail très précis et de rappeler à la fin mon offre de service, mes honoraires, etc. », détaille Martin Pavanello. L’outil peut aussi aider l’agent à créer une annonce immobilière, rédiger ses mails de relance, concevoir des stories pour les réseaux sociaux, etc.  L’IA peut encore tenir le rôle de coach :  comme un jeu de rôle, l’IA va délivrer les éléments de langage à adopter pour convaincre un client d’accorder, par exemple, un mandat exclusif.

Ce super assistant fait toutefois courir un risque côté management : voir les collaborateurs se reposer entièrement sur l’outil sans identifier ses possibles hallucinations, ne plus raisonner par eux-mêmes et ne pas percevoir l’utilité de se former aux rudiments du métier : « Il y a un gros sujet de surveillance : que font les collaborateurs de leur temps libre ? est-ce que le contenu qu’ils ont créé avec l’IA m’assure de gagner 20 % de productivité ? quel est leur réel niveau de compétence ? (…) Si on compte que sur son Chat JPT, (…) il y a forcément un moment où on va arriver devant le client et ça va mal se passer. (…) Je pense qu’un agent immobilier, qui fait semblant, ne saura pas répondre à son client, il ne saura pas bien l’accompagner. Et il peut avoir toute l’IA du monde avec lui, il va passer pour un imbécile et pour un incompétent », alerte Martin Pavanello. Ce dernier révèle aussi que l’IA peut conduire à l’uniformité des contenus. Tel serait notamment le cas des annonces immobilières sur certaines plateformes : « On va aller dans un monde où vos clients (…) sont formés à l’IA (…), ils vont en attendre plus de vous ».


Les intervenants

  • Rozenn Chapron, présidente co-fondatrice de Nexialim
  • Philippe Fauré, dirigeant de Multiscore
  • Martin Pavanello, co-fondateur de Mister IA
  • Yann Simon, directeur général du groupe Vision 2i Conseil

Le débat est animé par Henry Buzy-Cazaux, président fondateur de l’Institut du Management des Services Immobiliers.


Martin Pavanello
Co-fondateur de Mister IA
Yann Simon
Directeur général du groupe Vision 2i Conseil
Philippe Fauré
Dirigeant de Multiscore
Rozenn Chapron
Présidente co-fondatrice de Nexialim