Nov 29

Comment les diagnostiqueurs immobiliers peuvent-ils regagner la confiance? – Mardi 13 décembre à 18h

Retrouvez le replay de la conférence !


Les enjeux

En quelques années, les diagnostiqueurs immobiliers ont changé de statut : assimilés dès la création du premier diagnostic rendu obligatoire par le législateur en 1996 à des intrus dans la chaine de valeur de la transaction et de la gestion, ils sont désormais au principe de la transition environnementale et plus largement de la transparence sur les logements achetés, loués ou détenus.

Pourtant, cette jeune profession n’est pas encore dépositaire de la confiance publique. Elle cherche ses repères et tente de s’organiser avec plus d’exigence et de rigueur. Garantir la qualité des interventions des diagnostiqueurs constitue une urgence: c’est sur la base de leurs constats et préconisations que les ménages engagent des dépenses individuelles et collectives considérables. Plusieurs voies sont explorées par la profession elle-même, la formation reconnue, l’encadrement légal, mais aussi la structuration sociale avec notamment le rattachement à une convention collective.

L’éthique de cette profession est-elle au-dessus de tout soupçon ?

Les relations entre les professionnels de la transaction et de la gestion et les diagnostiqueurs sont-elles parfaitement intègres ?

En outre, les diagnostiqueurs ne pâtissent-ils pas de diagnostics règlementaires d’une fiabilité technique laissant à désirer, comme semble le démontrer la campagne de rappel des DPE en 2021 ou encore les reports successifs de l’entrée en vigueur de l’audit énergétique ?

Le débat éclairera toutes ces questions, avec des représentants des diagnostiqueurs, des consommateurs, des donneurs d’ordre et un parlementaire spécialiste du logement.


Les intervenants

Le débat est animé par Henry Buzy-Cazaux, président-fondateur de l’Institut du Management des Services Immobiliers, secrétaire général du Cercle. Avec :

  • Yannick Ainouche, président de la Chambre des diagnostiqueurs immobiliers de la FNAIM
  • Lucile Buisson, chargée de mission à UFC-Que choisir
  • Lionel Causse, député LREM des Landes, membre du Conseil national de l’habitat
  • Anne Semay, directrice de Diag Alpes, diagnostiqueuse certifiée
Anne SEMAY
Directrice de Diag Alpes, diagnostiqueuse certifiée
Lionel CAUSSE
Député LREM des Landes, membre du Conseil national de l’habitat
Lucile BUISSON
Chargée de mission à UFC-Que choisir
Yannick AINOUCHE
Président de la Chambre des diagnostiqueurs immobiliers de la FNAIM

La synthèse

« Imaginez qu’aujourd’hui, avec tout ce que l’on nous reproche, et avec toute la responsabilité qui pèse sur nous, nous n’avons : pas de branche professionnelle ; pas de formation professionnelle adéquate – nous avons juste des certifications qui sont sous accréditation COFRAC et, en 3 mois, on est censé connaître tout l’univers du bâtiment !  – ; pas de diplôme ; pas de convention collective ; et pas d’encadrement réglementaire au même titre que d’autres professions ! (…) C’est pourquoi, à la CDI FNAIM, nous demandons à être mieux encadrés. (…) Que l’on nous donne la possibilité d’avoir un vrai métier, des débouchés professionnels à offrir à des jeunes. (…) Ce métier – qui est fantastique – est un métier de tiers de confiance. Et nous avons besoin de retrouver la confiance à la fois du consommateur, des journalistes en l’occurrence et, aussi, de nos confrères », interpelle Yannick Ainouche, président de la Chambre des diagnostiqueurs immobiliers de la FNAIM, en réaction à la publication, en octobre 2022, de l’enquête de l’association de consommateurs UFC Que choisir qui dénonçait des variabilités dans les résultats des DPE, pourtant réalisés sur des mêmes biens.  

L’enquête, source de la discorde

Ce n’est pas une première pour UFC Que choisir. En 2017, l’association s’était déjà penchée sur le travail réalisé par les diagnostiqueurs. Depuis le vote de la loi Climat et résilience en 2021, la profession est devenue l’acteur majeur sur lequel repose la politique publique en matière de rénovation environnementale et énergétique. « Nous avons, sur le même modèle qu’il y a cinq ans, testé quatre à cinq diagnostiqueurs situés dans différentes régions françaises, tous référencés sur l’annuaire officiel proposé par le gouvernement. Premier constat : on a une variabilité de la classe du DPE attribuée à un même logement. On a même une variabilité qui va jusqu’à 3 classes pour une maison (…).  L’information donnée aux consommateurs n’est pas du tout fiable. Second constat : on a des propositions contradictoires en ce qui concerne les travaux envisagés. (…) Par exemple, il a été proposé l’isolation des murs par l’intérieur alors qu’elle existe déjà par l’extérieur. De même, la pose d’un chauffe-eau a été recommandée alors qu’il en existait déjà un dans le logement. Et, en termes de somme à engager pour un bien, on va de 3 000 à 30 000 euros. L’information n’est absolument pas claire », expose Lucile Buisson, chargée de mission UFC-Que choisir. Cette dernière souligne aussi que le prix du DPE n’est pas réglementé. Ainsi ont été constatées des disparités tant au niveau des prix pratiqués (de 150 à 300 euros) qu’au niveau du temps passé pour effectuer la visite de contrôle (de 30 mn à 2h). Face à de tels constats, UFC-Que choisir n’a pas hésité à conseiller aux consommateurs de faire réaliser plusieurs DPE et de ne pas se fier à la préconisation des travaux. Et Lucile Buisson de questionner : « Doit-on continuer à utiliser ce DPE ? (…) C’est aux pouvoirs publics et à la profession de tirer les conséquences de notre alerte ».

Les réformes attendues par UFC-Que choisir

A la suite de ces constats, et compte-tenu des incidences d’un DPE sur le prix de vente du logement, le coût des factures énergétiques et l’interdiction à la location, la chargée de mission de l’association en appelle au législateur : « nous demandons que les travaux, s’ils sont réalisés, soient opposables comme le reste du DPE. » Relevant que les disparités relevées par l’enquête ne sont pas dues à un problème d’appropriation du nouveau DPE (les logiciels étant à jour) mais davantage au travail réalisé par des diagnostiqueurs, UFC-Que choisir suggère : « que les pouvoirs publics aillent encore plus loin dans l’encadrement en définissant la visite de A à Z, sachant que des points de contrôle existent déjà ».

La réplique des diagnostiqueurs

« Cet article est injuste (…). Avant de taper sur le diagnostiqueur, il faut regarder pourquoi il y a des différences dans les notes », s’insurge Anne Semay, directrice de Diag Alpes, diagnostiqueuse certifiée. Cette dernière signale des incohérences de méthodologie dans la méthode pour établir le DPE : « Concernant la notion de “ surface habitable ”, l’enquête parle d’une surface habitable estimée. Or, dans le nouveau DPE, cette surface habitable doit être attestée.  Mais la question est : que doit couvrir la notion ?  Prenons comme exemple une maison avec un rez-de-chaussée technique, donc avec des pièces comme un atelier. Dans la méthodologie des DPE, on doit prendre en compte cette pièce comme une pièce habitable. Comme c’est une pièce non chauffée, elle est enlevée de l’enveloppe chauffée et de l’enveloppe isolée de la maison. Soit j’applique la méthodologie du DPE au sens strict du terme et je rentre cette pièce non isolée dans mon DPE ; soit j’estime qu’il faut l’exclure et l’on se retrouve avec une différence de surface habitable et une différence d’enveloppe, donc une différence très nette de consommation ». Anne Semay rappelle aussi que, pour faire correctement son travail, le diagnostiqueur doit pouvoir disposer d’informations sur l’historique d’isolation et de chauffage de l’immeuble (factures, notice technique de construction, etc.) que le propriétaire est tenu de lui délivrer : « Très souvent, le propriétaire n’est pas présent au rendez-vous et nous disposons juste des clés du bien, sans aucune information sur ce dernier. (…) Et nous n’avons pas le temps matériel (à 150-300 euros la prestation) d’aller poser des questions au syndic pour récupérer les informations. Soit on met en place un tarif syndiqué qui nous laisse le temps d’aller nous-même chercher l’information, soit on reste avec cette situation. Cela explique aussi les différences notables sur les résultats des DPE et le fait que le bien puisse être “dégradé”. Concernant la variabilité des prix constatée, la diagnostiqueuse – favorable à la mise en place d’un prix plancher de prestation –, l’explique par le dumping souvent pratiqué par les professionnels qui débutent sur le marché pour se constituer une clientèle. Quant à l’opposabilité des préconisations travaux sollicitée par UFC Que choisir, Anne Semay estime que son rôle est « d’orienter le propriétaire vendeur ou acquéreur vers le bon spécialiste. Nos recommandations sont à prendre comme une piste d’amélioration qui doit être confirmée et validée par un spécialiste ».

La mise au point d’une fédération

« C’est un article qui est uniquement à charge. (…) Paradoxalement, je ne suis pas là pour défendre ma filière parce qu’il faut sanctionner ceux qui entachent la réputation de notre profession, de notre rôle de tiers de confiance », précise Yannick Ainouche, « Toutefois, il faut aussi comprendre que tout s’est mis en place dans l’urgence. Je rappelle que cela ne fait qu’un an que le DPE est mono méthode. Lorsqu’on nous a livré le moteur de calcul en juillet, il n’a pas été fiable pendant 3-4 mois. On empile des couches de réglementation et on essaye de s’améliorer. Il y a des défaillances certes, mais la méthodologie n’est pas encore claire. (…)  Ce métier est un métier de constat, c’est la définition même de ce qu’est un diagnostic :  on est là pour orienter.  (…) Lucile Buisson parle du diagnostiqueur mais qu’en est-il de la responsabilité du notaire qui doit vérifier les certifications du diagnostiqueur ?  (…) Nous ne sommes pas seuls dans cet écosystème. En outre, nous souhaitons que le législateur intervienne en notre faveur pour notre profession car nos confrères méritent une vraie filière. (…) Les pouvoirs publics sont à notre écoute concernant le futur de la filière. J’ai été reçu la semaine dernière au cabinet du ministre : on avance. En revanche sur la méthodologie, on nous l’impose, sans même l’avoir testée. (…) Or, les périodes de transition de la méthodologie doivent se faire sur plusieurs semaines (…).  Il faut nous laisser le temps d’avancer et de former nos collaborateurs pour que la rectitude soit au rendez-vous.

La réponse du politique

« Effectivement, (…) depuis de nombreuses années, le Parlement s’appuie sur les diagnostiqueurs. (…)  pour répondre aux enjeux environnementaux. (…) Sur le plan législatif, nous avons une ambition assez forte qu’il nous faudra respecter », confesse Lionel Causse, député Renaissance des Landes, membre du Conseil national de l’habitat (NDRL : nommé président de cette instance depuis la conférence, par arrêté du 27 décembre 2022). Concernant la revendication d’un cadre réglementaire plus stricte pour l’exercice de la profession, le parlementaire y est favorable : « il y a deux solutions sur le plan législatif. Première solution : on lance des mesures de contrôle et de sanction, mais ce n’est pas le choix qui a été fait par le législateur. La seconde est d’organiser une montée en compétence.  (…) Cette proposition va dans le bon sens et c’est la raison pour laquelle, comme certains de mes collègues, je suis intervenu auprès du ministre sur ce sujet. Mais pour faire évoluer le législatif, on a aussi besoin de travailler tous ensemble. De ce fait, je souhaite mobiliser le Conseil national de la refondation (CNR) Logement (…) ainsi que le Conseil national de l’habitat.  (…) Je pense que d’ici la fin du premier semestre 2023, nous aurons de quoi associer tous les partenaires pour construire une proposition de loi. ». En ce qui concerne la possible réglementation des honoraires des diagnostiques et la mise en place d’un prix plancher, le député n’y est pas opposé: « encore faut-il bien définir quel prix plancher parce que nos territoires sont différents. Le temps de travail et les conditions pour réaliser un DPE n’étant pas les mêmes selon le logement et sa situation géographique. Il faudra définir des méthodes de calcul et arriver à un consensus ».

Le cercle vertueux de la formation

« La certification c’est une bonne formation théorique de trois mois. Il ne faut pas déchirer la copie mais la faire évoluer. Il faudrait inclure une formation pratique obligatoire dans le parcours de formation du diagnostiqueur », expose Anne Semay. De fait, si cette formation renforcée est réclamée également par Yannick Ainouche, elle pointe d’autres problématiques : « Qu’on nous impose de la formation continue (…) mais encore faut-il qu’elle puisse être financée. Comme nous ne sommes rattachés à aucune convention collective, nous ne disposons pas d’un circuit de financement. (…)   C’est en suivant des parcours de formation qu’on peut améliorer la technicité de nos confrères et sécuriser le consommateur. (…) Donnez-nous une vraie filière, donnez-nous la capacité de travailler et d’avoir une ambition pas uniquement pour une transition professionnelle (NDRL : la profession est souvent choisie dans le cadre d’une reconversion) mais pour faire carrière ! Je vais prêcher (…) pour des parcours professionnels et une visibilité unique et simple pour le consommateur. (…) Mon ambition (…), c’est que dans les trois prochaines années, nous fassions la une de UFC Que choisir qui annoncera que les Français peuvent avoir confiance dans le diagnostiqueur. Et pour cela, il faut travailler à la fois avec les pouvoirs publics et avec les confrères, (…) et trouver un consensus ».